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Fraude aux examens nationaux : « le paroxysme est atteint » dixit Aboubacar Mandela CAMARA

Tout le monde est conscient que «l’éducation est la clef du développement et le seul vrai remède contre la pauvreté». Des efforts louables ont été faits ces dernières décennies pour sortir le système éducatif guinéen de l’ornière. Malheureusement, il y a encore une ‘’vermine’’ très nuisible qui le gangrène à savoir : la corruption, plus particulièrement la fraude généralisée lors des évaluations scolaires, notamment les examens nationaux.

Depuis plus de cinq (05) ans, des ONGs et autres observateurs alertent sur le danger imminent qui plane sur l’école guinéenne en raison de la fraude à grande échelle et à ciel ouvert enregistrée lors des examens nationaux (examen de fin d’études élémentaires, BEPC et Bac). Parmi ces ONGs qui s’activent sur le terrain et qui dénoncent sans cesse les pratiques déviantes lors des examens nationaux, on peut citer : Save My School, la Voix du Peuple à travers l’Observatoire Citoyen du Système Educatif Guinéen (OCSEG) et l’Association Scolaire et Estudiantine de Guinée (A-SEG). Toutes ces ONGs ont relevé de graves pratiques affectant la crédibilité des examens nationaux dont, entre autres :

  • la Fuite des épreuves (avant 2022);
  • La facilitation de la Communication entre candidats, voir même la communication des réponses par les surveillants ;
  • l’Introduction de traités dans les centres (documents physiques et électroniques via les réseaux sociaux) ;
  • Utilisation des téléphones et autres objets connectés ;
  • L’existence de Comités de rédaction et les attroupements autour des centres.

Ces faits et tant d’autres se sont amplifiés d’année en année et, ils se sont transformés en normes sociales. Tout le monde y est impliqué (des cadres à tous les niveaux du système, des surveillants, des commissions de secrétariat, des correcteurs, des candidats, des fondateurs et/ou encadreurs des écoles privées, des directeurs d’écoles et chefs d’établissements scolaires publics, des parents d’élèves, des agents de sécurité, des agents de santé, des vendeuses dans les centres et autres businessmen).

La fraude à l’école est devenue tellement préoccupante en Guinée que Muriel POISSON de l’IIPE-UNESCO en a fait l’objet de toute une étude et, elle a produit un rapport de 69 pages intitulé ‘’Cartographie des risques de corruption dans le secteur de l’éducation en Guinée’’. L’auteure indiqua à la page 9 dudit rapport que les Évaluations, examens et concours en Guinée sont caractérisés par les anomalies suivantes : tricherie pendant les épreuves  ; vente de notes en échange d’argent ou de faveurs sexuelles  ; fuite des sujets d’examen  ; irrégularités lors de la notation ou la saisie des notes ; repêchage de candidats ayant obtenu des notes largement en dessous de la moyenne  ; versement de pots-de-vin pour figurer sur la liste des candidats reçus  ; plagiat  ; production/utilisation de faux diplômes.

Les mois qui ont suivi la prise de responsabilités par le CNRD, le 05 septembre 2021, sous le leadership éclairé de Son Excellence Général Mamadi DOUMBOUYA, Président de la République, Chef de l’Etat, plusieurs innovations ont été opérées, par exemple au Ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation, pour remédier aux cas de fraude aux examens nationaux, ou tout au moins, les atténuer.

Parmi ces innovations initiées par la Direction Générale des Examens et Contrôle Scolaire, on peut citer :

  • l’introduction d’une nouvelle feuille d’examen plus sécurisée ;
  • la suppression du secrétariat de report manuel des anonymats sur les copies des candidats après la passation des épreuves ;
  • l’internement durant un mois et demi des inspecteurs et cadres impliqués dans la conception, le choix final et le conditionnement des épreuves ;
  • l’implication des ministères partenaires au processus (Enseignement Supérieur, Enseignement Technique, Défense, Sécurité, Administration du territoire, Justice…) ;
  • la prestation de serment de tous les acteurs impliqués dans le processus des examens ;
  • Et l’inscription en ligne des candidats.

 Malgré ces multiples efforts et les lourdes sanctions prévues dans les règlements généraux révisés, lors de la session 2022 et celles qui ont suivi, plusieurs anomalies ont été enregistrées dont entre autres :

  • Des téléphones incorporés dans des chaussures épaisses ;
  • Des candidats qui partent nuitamment dans les centres pour cacher leurs téléphones et documents dans les toilettes et salles de classe ;
  • Des candidats qui cachaient leurs téléphones et/ou des documents dans leurs sous-vêtements ou dans les pochettes de leurs boîtes mathématicales spécialement fabriquées (double fonction) ;
  • tentatives d’introduction de traités dans certains centres par des comités de rédaction grâce à la légèreté des délégués, chefs de centres et surveillants ;
  • Des groupes WhatsApp, Messenger et Télégramme animés par des réseaux mafieux.

Ce qui a entraîné l’élimination de 364 candidats, la saisie de 688 téléphones et l’élimination de 175 enseignants (examens nationaux, session 2024).

A la session 2023, pour les mêmes raisons, il a été noté : l’élimination d’au moins 209 candidats, des centaines de surveillants également éliminés  et des centaines de téléphones saisis.

Cette année (session 2024), profitant du slogan «dédramatisation des examens» qui, pourtant, est très pédagogique, en remplacement de celui jugé violant «Tolérance zéro», les mauvaises habitudes ont refait surface et se sont amplifiées davantage : élimination de 141 candidats et de 182 surveillants, plus de 700 téléphones et plusieurs documents saisis.

A ces multiples cas de fraudes, s’ajoutent la sous-notation et/ou la sur-notation des candidats ainsi que la falsification des notes à la centralisation et/ou à la saisie.

A cause donc de ces pratiques déviantes, l’école guinéenne est devenue un véritable champ de bataille à l’occasion de chaque session d’examens nationaux. Chaque année, un dispositif digne d’opérations militaires est mis en place avec le concours de plusieurs autres départements ministériels dont la Défense Nationale et la Sécurité.

Pourtant, à l’origine, le concept «école» vient du latin «schola» qui signifie : loisir studieux, leçon, lieu d’étude.

L’école remplit plusieurs fonctions dans une société, parmi lesquelles, nous pouvons noter :

  • La fonction d’éducation et de formation
  • La fonction de socialisation
  • La fonction d’inculcation idéologique
  • La fonction de reproduction
  • La fonction de sélection
  • La Fonction de promotion collective et de développement.

L’éducation nationale, au sens de la Loi d’orientation L/97/022/AN du 19 juin 1997 (Article 1), vise :

1-à élever le niveau intellectuel de la population ;

2-à former des hommes et des femmes libres, capables de créer les conditions de leur épanouissement à tous les niveaux, de contribuer au développement de la science, de la technique et de la technologie, et d’apporter des solutions efficaces au problème du développement national.

Elle consiste à préparer les conditions d’un développement intégral, assumé par la nation tout entière. Sa mission constante est de maintenir l’ensemble de la nation dans un courant du progrès contemporain et dans le cadre d’une structure de formation programme.

Près de trente (30) ans après la promulgation de cette loi d’orientation de l’éducation nationale, l’école guinéenne évolue de mal en pis. Elle reste gangrenée par la fraude, facteur de médiocrité et de décadence.

Il reste à savoir : A quand l’excellence et le mérite dans le milieu scolaire guinéen ? Wait and see !

Aboubacar Mandela CAMARA

Sociologue, Consultant en éducation

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