A la tête de la sélection guinéenne depuis bientôt deux ans, Kaba Diawara s’est engagé dans un projet de reconstruction qui a pour but de redonner au Syli National une image positive, un niveau de performance optimal et une place de choix en Afrique. Cela, malgré toutes les contingences. Entre une anarchie totale au sein de la sélection, certains anciens joueurs en embuscade, une partie des médias l’ayant en ligne de mire, des adversaires sur le continent de plus en plus compétitifs, le sélectionneur guinéen affronte et surmonte bien des obstacles depuis sa nomination.
« Impossible de faire des omelettes sans casser des œufs ». Cette maxime connue du grand public, résume bien la démarche dans laquelle s’est engagée Kaba pour redresser la barre au sein du Syli National. Pour y voir plus clair, il est nécessaire de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur pour savoir d’où vient la Guinée afin de mieux apprécier le travail jusque-là effectué.
Brève rétrospective
Arrivé en sapeur-pompier à la veille de la CAN camerounaise en 2022 dans un contexte pollué par les écarts de comportement, le manque d’investissement des joueurs, les scandales liés à l’indiscipline au sein de l’équipe, la perte de l’identité de jeu, Diawara a pris le soin de prendre des mesures d’urgence pour aller à la CAN en étant conscient des limites de l’effectif qu’il avait à disposition.
Lors de la phase finale, la Guinée a été éliminée par la Gambie (première de son groupe devant le Mali et la Tunisie, ndlr) en huitième de finale. Inutile de revenir sur le film de cette compétition qui a notamment vu d’autres scandales (fumeurs de chichas en groupe en période de covid, indiscipline au sein du groupe…) plombés les performances de l’équipe en raison des foyers de résistance à la nouvelle rigueur instaurée dans le groupe. Les archives existent encore sur internet pour les plus curieux.
Fort de l’expérience tirée de la campagne camerounaise, Kaba Diawara entame son véritable projet au mois de mars 2022 après avoir été recruté à la suite d’un appel à candidatures. Là, il a l’opportunité de bâtir les bases d’un nouveau départ avec un nouveau staff technique et un groupe de joueurs qui adhèrent à la nouvelle politique. Dès le départ, le technicien est formel : la dynamique de groupe sera prépondérante dans ses choix. Bientôt deux ans après, Diawara est resté moulé dans ce schéma et le résultat est visible au niveau de la discipline et de la rigueur. Sur le plan de la performance, la progression est constante. Car il a bien compris que ce n’est pas qu’une addition de talents qui assure à une équipe la performance. La cohésion et la dynamique de groupe vont avec. Il y a un donc un équilibre à trouver.
Renforcement de l’effectif
Au sortir de la CAN au Cameroun, Kaba a attaqué plusieurs chantiers à la fois. L’un d’entre eux a été le renforcement de l’effectif (il a disputé la CAN sans arrière droit, sans des profils de joueurs percutants sur les côtés…). Il a pris son bâton de pèlerin pour sillonner l’Europe à la quête de nouveaux profils à forte plus-value. Ainsi, des joueurs confirmés (Serhou Guirassy, Mouctar Diakhaby…), des prospects (Dembo Sylla, Ibrahim Diakité, Sékou Oumar Sylla, Seydouba Cissé, Cheick Oumar Condé, Thierno Barry, Amadou Traoré…) et d’autres renforts comme Bafodé Dansoko ou Antoine Conté sont venus donner un coup de boost au groupe Syli.
En dépit de quelques insuffisances, Kaba a réussi en moins de deux ans, à élargir le réservoir de joueurs sélectionnables et à solidifier les rangs de la sélection guinéenne. Aujourd’hui, tous les postes sont pratiquement doublés et d’autres joueurs phares sont en passe de rejoindre la Guinée en raison de la bonne direction prise par le projet en cours.
Visibilité
Pour reconstruire son équipe, l’entraîneur guinéen a fait le choix de jouer des matchs amicaux avec les plus grands pays du monde. L’Afrique du Sud, l’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Brésil ont été les adversaires affrontés. Loin de vouloir faire des statistiques, il a préféré se frotter à plus fort pour permettre à son groupe d’apprendre et de vite grandir. A ce niveau, le pays est passé de jouer des matchs amicaux de seconde zone à des rencontres de niveau très élevé.
Sur le plan de la visibilité, il est quasiment difficile de trouver mieux qu’une affiche Guinée – Brésil. La Seleçao et sa constellation de stars mondiales a choisi la Guinée comme adversaire au mois de juin 2023. La prestation livrée en première période face aux Sud-américains, a été d’un niveau apprécié de tous. Ce match a permis à l’équipe de prendre de la graine et de mettre en perspective les axes de progression. Un match diffusé dans plus de 150 pays a permis à la Guinée de gagner en visibilité et de la mettre dans le répertoire des grandes nations en vue des prochaines fenêtres internationales pour des matchs amicaux. Un acquis qui va profiter à l’équipe pendant plusieurs années. La FGF a d’ailleurs reçu des propositions de plusieurs nations comme le Canada après ce match face au quintuple champion du monde.
Reconstruction
La reconstruction d’une équipe nationale demande du temps surtout lorsqu’elle a connu une succession de crise comme c’est le cas de la Guinée depuis 2019. La France a mis du temps entre 2006 et 2015 avant de redevenir compétitive. L’Allemagne n’y arrive toujours pas. Les grands pays avec de grands moyens connaissent des difficultés. Il serait donc illusoire de croire que c’est en deux ans qu’on arrive à bâtir une équipe guinéenne capable de battre les plus grands du continent africain et du monde.
Toutefois, en ce laps de temps, Kaba est parvenu avec son staff à franchir un cap, celui de retrouver un jeu fluide et de faire respecter la hiérarchie face à des équipes supposées plus faibles. Nul ne peut nier qu’entre mars 2022 et septembre 2023, la sélection guinéenne n’a pas fait de progrès.
Une partie du contrat assignée à Kaba a été d’ailleurs respectée à savoir qualifier la Guinée à la CAN 2024 en Côte d’Ivoire en jouant les matchs à domicile délocalisés au Maroc (face à l’Éthiopie et à l’Égypte). Un billet obtenu avant la dernière journée dans une campagne où le Cameroun, le Ghana, la RDC ne sont toujours pas assurés d’être du voyage ivoirien.
Discipline
L’un des acquis et surtout l’un des héritages que Kaba Diawara laissera au Syli, c’est la discipline instaurée au sein de son équipe. Il a une maîtrise de son groupe au sein duquel il a pris le soin de faire le ménage. La rigueur est aujourd’hui de mise et les écarts de comportement sont de vieux souvenirs.
C’est en effet pour cette rigueur, pourtant longuement appelée de tous les vœux par les supporters du Syli National, qui vaut à l’entraîneur guinéen la critique d’une certaine partie de l’opinion. Cela au gré des accointances qu’ont les uns et les autres.
Pourtant, le coach guinéen a prouvé qu’il ne privilégie que l’intérêt de l’équipe et que lorsqu’il obtient toutes les garanties qu’un choix x ou y ne vient pas déstabiliser l’équilibre de son groupe, il sait prendre de la mesure. Ses décisions ont donc été impersonnelles.
Dans un environnement où il est la cible des critiques surtout lorsque l’équipe perd un match, Kaba Diawara se retrouve au cœur d’un bashing ourdi et planifié. Mais cela est la règle en Guinée lorsque vous avez décidé avec passion de vous investir pour inverser une tendance pourtant bien malheureuse. En s’engageant dans ce projet, il ne pouvait pas ne pas être conscient qu’il allait évoluer dans un environnement de tension avec des spéculations et des tentatives permanentes de pollution de son groupe. De l’intérieur comme de l’extérieur.
Dans ce contexte, il est utile de rappeler qu’il ne sera jugé qu’à l’aune de ses résultats.