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Lutte contre le Covd-19 : quelle mesure pour plus d’impacts sur le quotidien des guinéens ? (Par Mohamed Cissé)

Dans une perspective favorable de croissance économique, le monde s’est retrouvé dans une crise sanitaire, liée au COVID-19, qui affecte tous les secteurs d’activités et qui impose la revue à la baisse de toutes les prévisions économiques. Ainsi, l’Organisation pour le Commerce et le Développement Economique (OCDE), dans son rapport intermédiaire du 02 Mars 2020, a revu sa prévision de croissance économique mondiale, passant ainsi de 2,9% à 2,4%. Cette pandémie a mis à rude épreuve, tous les systèmes de santé à l’échelle mondiale. Les pays jusque-là considérés hors de portée en termes de menace sanitaire, se sont retrouvés dans un débordement inattendu dans la gestion du COVID-19 tout en nécessitant des appuis étrangers. Selon le quotidien Statista, le nombre de cas confirmés est à 1,49 millions de personnes avec 88 630 cas de décès et 331 705 personnes guéris en date du 09 Avril 2019.

Faiblement dotés en infrastructures socioéconomiques, la gestion de la pandémie en Afrique a préoccupé tous ceux qui en font front. A ce faible niveau d’infrastructures, les insuffisances en ressources humaines qualifiées et financières exposent malheureusement les pays africains dont la majorité des populations vivent des revenus journaliers. La mobilisation du génie de ces Peuples et les capacités d’organisation des autorités étatiques conjugués aux appuis des partenaires techniques et financiers, seraient les moyens les plus sûrs pour vaincre COVID-19.

Dans cette particularité africaine, la Guinée a néanmoins des atouts qu’il faudra appuyer. L’expérience nationale dans la gestion d’Ebola devrait permettre aux guinéens de renouer avec les meilleures pratiques de prévention communautaire, aux autorités d’anticiper sur l’évolution des nombres de contacts et de cas confirmés mais aussi aux acteurs sociaux de ne pas attendre les moyens pour procéder à la sensibilisation surtout en langues nationales. La Guinée enregistre en date du 10 Avril 2020, 212 cas confirmés positifs, 15 cas guéris et heureusement, zéro cas de décès liés au COVID-19, selon l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSS).

Face à ces défis, le gouvernement guinéen, dans un courrier daté du 02 Avril 2020 et adressé au Président de la République, présente un plan de riposte économique à la pandémie du coronavirus (COVID-19). Ce plan qui a été accueilli par les guinéens avec beaucoup d’intérêt, repose sur trois piliers à savoir la composante sanitaire de la riposte, la composante sociale de la riposte et la composante Appui au secteur privé. Ce plan qui prévoit une enveloppe globale de 3 500 milliards de francs guinéens soit près de 13% du budget national en cours d’exécution, est un plan d’urgence qu’il faudra dissocier de plan de reprise économique.

Face à une telle urgence, la question qui revient est de savoir quelle mesure pour plus d’impacts sur le quotidien des agents économiques ?

L’établissement d’un plan est une chose à saluer même si l’efficacité de certaines mesures spécifiques reste discutable. La communication du Premier Ministre dans l’une des émissions populaires du pays a fourni aux guinéens, des éléments d’appréciations complémentaires sur le choix de certaines mesures. En la matière, nous estimons que les mesures spécifiques concernant les mesures sociales complémentaires (i), l’allègement des charges financières et fiscales pesant sur les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire (ii), et des mesures générales d’allègement et d’assouplissement des obligations fiscales pour l’ensemble des entreprises (iii) sont à améliorer pour avoir l’effets.

La prise en charge intégrale des factures d’électricité et d’eau, pour Avril-Juin

Elle a un impact direct sur le quotidien des ménages. Il faudra préciser que le blocage du loyer que beaucoup confondent au blocage du montant à payer, signifie que si le prix d’occupation d’un appartement coûte 1,5 millions par exemple, le propriétaire ne peut augmenter ce prix dans la période indiquée. La question est de savoir quel mécanisme le gouvernement compte mettre en œuvre pour faire respecter une telle mesure ? Les maisons en location sont-elles enregistrées ? Les locataires paient-ils des impôts et taxes ? Le gouvernement dispose-t-il des canaux de transmission de politique sociale via le loyer ? Si c’est un effet de communication, il a porté fruit vu l’animation du débat sur le point mais l’on aurait pu soulager les ménages à travers la farine ou le carburant.

Le report de paiement des factures dont la répartition sur la période allant de Juillet est inconnue, risque d’être un fardeau sur ces entreprises si dès maintenant, il ne leur est pas permis de l’intégrer dans leur budget annuel. Il faudrait également noter que le report ou l’annulation de paiement d’une somme n’a d’impact sur le payeur que si le montant concerné est disponible ; il peut toutefois contribuer à diminuer la pression mentale. En outre, le contenu du plan post COVID-19 n’étant pas connu à l’avance, rien ne rassure que les sociétés seront en mesure de faire face aux difficultés de trésorerie sachant que les paiements reportés seront en partie ajoutés aux factures du moment.

L’exonération fiscale, en Avril-Juin, sur le prix de certains biens fortement consommés aurait eu un impact plus considérable ; soutenant de passage la consommation qui maintiendrait les entreprises en activités. Il s’agit entre autre du Riz, de l’Huille, du Sucre et du Carburant dont le prix devrait baisser au-delà du plan. Les tensions inflationnistes propres au mois de Ramadan risques d’être amplifiées cette année. La thèse selon laquelle une baisse du prix du carburant autour de 5 000 francs guinéens créerait une exportation frauduleuse dans les pays limitrophes est assimilable à un aveu d’échec dans le contrôle et la répression de la délinquance et le banditisme économiques. Considérant le gaz butane subventionné par l’Etat Sénégalais qui coûte 50% de moins au Sénégal qu’en Guinée, et qui est utilisé pour des besoins domestiques et de restauration, quel est son flux d’importation frauduleuse en Guinée ? Le Gaz butane a-t-il, pour autant, manqué au Sénégal ; au-delà des pénuries inhérentes au système d’exploitation ?

Le secteur du tourisme, de l’hôtellerie, de l’artisanat et le petit commerce

Ce secteur est bien touché mais la logique voudrait que le gouvernement, en appui à son plan, présente des statistiques sectorielles indiquant la régression des flux et données économiques des entreprises. L’évolution de ces indicateurs auraient été mieux éloquente pour le ciblage des politiques. Au-delà de toutes les capacités que l’on reconnait des services techniques, la logique voudrait qu’une mesure économique de la trempe soit soutenue par un constat statistique. La prise en charge intégrale des 18% des charges sociales supportées par les entreprises aurait considérablement soulagé la trésorerie de celles-ci en plus du report de paiement des factures et la renonciation sur la TVA des factures d’électricité et d’eau pour certains secteurs. Il faudra également tenir compte du secteur éducatif et d’enseignement supérieur dans le volet pris en charge des enseignants vacataires.

Des mesures générales d’allègement et d’assouplissement des obligations fiscales pour l’ensemble des entreprises

Ces mesures sont appréciables mais elles devraient être durables dans les volets règlement progressif (ce qui doit être accéléré) de la dette intérieure de l’Etat et la mise en place d’un fonds spécifique. Ces mesures doivent survivre de la période d’accompagnement. L’une des raisons de l’échec des entreprises guinéennes est le mauvais comportement dans le paiement des dettes intérieures. Les mesures ont été annoncées pour appuyer le passage de l’informel au formel des acteurs économiques avec une structure d’incubation. Ces mesures sont-elles d’actualité ? Quel est le taux de réussite dans cette réforme ? Il faudrait que les mesures et réformes aboutissent et survivent des Régimes, Gouvernements et Ministres.

Une autre mesure non des moindres est l’assouplissement des mécanismes de financement de l’économie. Il est clairement sollicité par le gouvernement, l’implication de la Banque Centrale pour la réussite du plan. Bien que nécessaire selon le contexte, il faudra mener cette opération en tenant compte du moins et long termes. L’intervention sollicitée de la Banque Centrale touche tous ses canaux de transmission de la politique monétaire à savoir le taux de réserve obligatoire, le taux directeur et les opérations d’Open Market. Il est clairement question de politique monétaire expansionniste appuyée dont l’effet inflationniste n’est pas caché. Sachant que, dans les normes, un plan post-Covid-19 viserait également la consolidation des activités amorcées, sans oublier que les élections sont aussi porteuses d’inflation dans notre système économique, quel cadrage macroéconomique faudrait-il établir pour ne pas que la volonté politique écrase les exigences monétaires et budgétaires ?

La Banque Centrale doit avoir le courage du NON, quand il le faudra, afin de sauver le minimum qu’une telle pandémie laisserait. Elle doit également agir auprès des banques afin que la liquidité des banques impulsée par les mesures ne soit pas aux antipodes de la mise à disposition des fonds prêtables aux entreprises.

En somme, le soutien à la consommation par le biais de l’ANIES et autres mesures sociales, le renforcement des mesures sur les entreprises et un meilleur ajustement et suivi par la banque centrale pourraient renforcer la résilience de notre économie face à ce choc exogène (COVID-19).

Au vu de ce qui précède, nous estimons qu’il faudrait pour la Guinée :

Le renforcement des mesures économiques par le ciblage des outils plus impactant ;

L’élargissement des mesures sur le grand secteur éducatif ;

Une coordination parfaite entre les structures étatiques ;

Une compréhension partagée des mesures et des actions qu’elles impliquent ;

Le renforcement du dispositif de décaissement et de surveillance des fonds ;

La coordination des politiques sanitaires et la bonne collaboration avec les ONG ;

La traduction des mesures dans les langues nationales les plus parlées ;

Un dispositif d’appui psychologique pour les malades et leurs familles ;

La sensibilisation sur le retour des malades afin de les éviter des stigmatisations ou l’isolement social.

Dans une unité d’actions de riposte, nous vaincrons !

Mohamed CISSE

Enseignant chercheur

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