La décision de la Haute Autorité de la Communication (HAC) d’interdire aux télévisions web et radios en ligne de couvrir les manifestations et autres événements publics continue de faire réagir les acteurs du paysage médiatique guinéen. Ce mardi 1er juillet, plusieurs journalistes rencontrés à Conakry ont livré leurs points de vue sur cette mesure controversée qui suscite à la fois compréhension, inquiétudes et propositions.
Pour Baldé Mamadou Tahirou, journaliste, la mesure de la HAC ne doit pas être perçue uniquement comme une restriction, mais plutôt comme un effort de salubrité dans un secteur de plus en plus envahi par des pratiques non professionnelles.
« Cette décision est solitaire parce que ça y va aussi dans l’intérêt de la corporation. Il faut assainir ce métier, parce qu’il est envahi par du n’importe quoi. Aujourd’hui, nous voyons des télé-webs évoluer de manière clandestine et pas bien organisée. Normalement, ils doivent réorganiser ce secteur afin de pouvoir faire un travail professionnel qui va dans l’intérêt de la presse guinéenne », a-t-il affirmé.
Dans son analyse, Baldé recommande une approche inclusive et proactive de la part des télévisions web. « Je leur recommande de se constituer en collectif et d’aller plaider auprès de la HAC pour être réglementés et reconnus par la loi, notamment dans le cadre du Conseil national de la transition », a-t-il suggéré.
Même son de cloche chez Mamadou Baïlo Bah, autre professionnel du secteur, qui voit dans cette décision une tentative de maîtrise d’un espace médiatique devenu incontrôlable, mais plaide néanmoins pour une régulation plus équilibrée.
« À mon niveau, j’apprécie la décision de la HAC, d’une part, parce qu’actuellement, nous assistons à une prolifération des médias, surtout sur le web. La majeure partie des contenus médiatiques sont aujourd’hui diffusés via Facebook et YouTube. Donc je félicite la HAC pour cette prise de conscience. Mais d’un autre côté, il ne faut pas ignorer que certains d’entre nous, journalistes professionnels, travaillent aussi via ces canaux après avoir perdu l’accès à leurs médias traditionnels. ».
Il insiste sur le besoin d’une réglementation claire, plutôt qu’une interdiction pure et simple : « On ne peut pas dire à tous ceux qui travaillent sur les web TV d’arrêter. Il faut que la HAC mette en place une régulation qui tienne compte des réalités du terrain. »
La décision de la HAC, motivée officiellement par le souci de professionnaliser et de sécuriser la couverture des événements publics, pose une question de fond : comment encadrer un espace médiatique numérique en pleine expansion sans étouffer la liberté d’informer ? Si certains journalistes y voient une opportunité d’assainissement, d’autres redoutent une mesure qui pourrait pénaliser des professionnels déjà marginalisés par la précarité des médias traditionnels.
Alseny Dine Camara.