Deux rencontres avec des groupes de chefs traditionnels, à deux endroits différents, en deux jours. Près d’un an avant la présidentielle de 2020, le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara tente de tisser un nouveau pacte social avec les « têtes couronnées » du pays, dont l’influence reste intacte auprès de leurs administrés.
Ils étaient 251 chefs traditionnels de régions ivoiriennes différentes à s’entretenir à huis clos avec le président Alassane Ouattara, le 24 avril dernier, à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix de Yamoussoukro. L’heure n’était pas à la grande explication entre les deux camps, mais plutôt à l’écoute. Alassane Ouattara a ainsi fait un long exposé de la situation politique du pays, allant de sa rupture avec son ex-allié Henri Konan Bédié, à sa volonté d’opérer une réforme à minima de la Commission électorale indépendante (CEI), alors que les chefs se sont contentés d’exposer certaines craintes liées à la future échéance électorale – la présidentielle de 2020 – et à la lourdeur du climat politique.
Le choix de Yamoussoukro n’était pas fortuit. Dans la capitale politique de la Côte d’Ivoire, Bédié, présenté comme proche des milieux traditionnels – surtout du centre du pays dont il est natif -, avait confié la candidature de l’adversaire du second tour du président sortant d’alors, Laurent Gbagbo, à plus de 3 000 chefs traditionnels, au terme d’un pacte secret noué sur la tombe du « père fondateur » Houphouët. De même, la Chambre nationale des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire, dirigée par l’un de ses proches, le roi Désiré Tanoé de Grand-Bassam (Sud), y tient son siège et la direction de cette chambre créée par ses soins milite ouvertement pour son troisième mandat.
Jouer l’apaisement
« Le président de la République nous a rassurés par rapport à l’inquiétude que l’on ressent quant à l’atmosphère politique et sociale générale de la Cote d’Ivoire et quant à la future échéance électorale de 2020 », a assuré Augustin Thiam, gouverneur du district autonome de Yamoussoukro, par ailleurs chef traditionnel.
Autre lieu, autre rendez-vous avec la chefferie traditionnelle. À Abidjan, la veille, Ouattara avait rencontré des chefs du District d’Abidjan, des régions du Sud-Comoé et des Grands-Ponts (Sud). Objectif : « Porter à la connaissance du président de la République des préoccupations émanant des populations – notamment l’élection présidentielle de 2000 que nous souhaitons apaiser – et recueillir en retour ses avis et les bonnes informations », a précisé Faustin Abodou, porte-parole de la délégation de notables.
Pour l’analyste politique ivoirien Sylvain N’Guessan, « contrairement à Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara privilégie la gouvernance par le haut. Après « l’assainissement » de l’administration qui a abouti au limogeage de plusieurs proches de Guillaume Soro et d’Henri Konan Bédié et où la haute hiérarchie lui est désormais acquise, il s’attaque au milieu rural ». Pour lui, il ne fait l’ombre d’aucun doute, « c’est en prévision de la présidentielle de 2020. Il veut se faire passer pour celui qui peut garantir la stabilité, assurer la paix et garantir les investissements, soit en vue d’un troisième mandat, soit dans l’objectif de fédérer l’électorat autour du candidat qu’il aurait désigné ».
Jeuneafrique