<<…gardez-vous de vous croiser les bras en l’attitude stérile de spectateur, car la vie n’est pas un spectacle, car une mer de douleurs n’est pas un proscenium, car un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. >>.
C’est par ces propos de l’emblématique, Aimé Césaire, que j’ai voulu commencer le présent article en raison de la découverte ahurissante d’un des horribles maux qui gangrènent le système éducatif guinéen depuis plusieurs décennies. Il s’agit, bien entendu, de l’existence de réseaux mafieux en son sein.
-Comment les avons-nous découvert ?
-Quels sont leurs modes opératoires ?
-Comment les anéantir ?
En effet, en 2017, l’ONG Save My School a mené une enquête sur le déroulement du Baccalauréat Unique dans la zone spéciale de Conakry.
Cette enquête a révélé l’existence de réseaux mafieux, savamment orchestrés, enracinés et puissants dont les parrains sont tapis dans l’ombre.
Ces puissants réseaux mafieux se font des centaines de millions de francs guinéens par an à l’occasion des examens nationaux (Examen du CEE, BEPC et Bac Unique).
Ils regroupent à la fois des cadres au haut niveau du ministère de l’éducation nationale, des cadres au niveau des structures déconcentrées (DCE, DPE,…), des responsables directs d’écoles, des fondateurs d’écoles, des agents de sécurité, des enseignants et divers associés.
Ces réseaux sont impliqués en première ligne dans la corruption à grande échelle qui a fini par ternir l’image de l’école guinéenne.
Ce sont eux qui sont à la base de la fuite des épreuves qu’ils vendent à plusieurs millions de francs guinéens, généralement aux fondateurs d’écoles privées et autres particuliers. Ils seraient même à la base de l’initiation des groupes de discussion via messenger et whatsapp découverts par l’observatoire citoyen du système éducatif guinéen (OCSEG) afin de faciliter la communication dans les centres d’examens en complicité avec certains parents d’élèves. Là également, ce sont des centaines de millions de francs guinéens qu’ils amassent car, il faut signaler que pour être membre d’un groupe de discussion, les initiateurs réclament entre 50.000 GNF et 300.000 GNF.
Cet argent leur sert, entre autres, à payer les enseignants, recrutés à cet effet, qui traitent les sujets pour les candidats ; mais aussi et surtout, pour corrompre les délégués, chefs de centre, agents de sécurité et surveillants.
D’après nos informations, ces mêmes réseaux mafieux sont impliqués dans le recrutement de certains surveillants, délégués, secrétaires et correcteurs contre une caution bien définie. Ce qui représente pour eux une autre source de revenus.
Raison pour laquelle, on retrouve souvent des non professionnels dans la surveillance ou la correction ou encore certaines personnes qui surveillent tous les trois examens voire même qui participent aussi à la correction.
Pour être membre de ces réseaux mafieux, d’après nos informateurs, il faut être parrainé par quelqu’un de l’intérieur et faire preuve de discrétion absolue au risque de subir la colère des parrains au haut niveau.
A mon sens, une enquête doit être ouverte, s’il le faut par le ministère de la sécurité sous demande du MEN-A afin de démanteler et sévir les dits réseaux. En plus, la nomination de cadres intègres et très rigoureux à la tête du ministère de l’éducation nationale s’avère imminente.
Aboubacar Mandela CAMARA
Sociologue / Enseignant-Chercheur / Auteur / Consultant en éducation / Activiste, Promoteur et Défenseur du droit à l’éducation